Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/120

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de Nini-Thamar, Guy Tomel déserta sa couche d’odalisque et se rendit chez moi :

— Vous ne m’en voulez pas, dit-il.

— La nuit porte guérison, répliquai-je.

— Eh bien ! ajouta Guy Tomel, je suis heureux de cette bizarre coïncidence qui me fait vous connaître ; car je suppose que si vous envoyez à des modèles d’atelier des vers qui m’ont paru exquis, vous devez en avoir composé d’autres, et c’est pour les lire que je suis venu.

— Mais je suis auteur dramatique, m’écriai-je.

— Ta, ta, ta, vous devez avoir écrit beaucoup de vers ; ne dissimulez pas.

Je laissai ce Guy conquérant fouiller dans mes tiroirs. L’examen fut favorable ; car il me déclara que si je ne publiais pas un volume de vers d’ici peu de temps, j’étais un misérable.

Ainsi je trouvais, par hasard, un homme qui, d’autorité, m’arrachait aux drames, comédies et vaudevilles, pour me replonger dans la poésie.

Guy Tomel était professeur, il fut aussi, à mon égard, un peu prophète. Je l’en remercie, sans trop l’en remercier, il y a des heures où je préférerais de beaucoup être devenu fabricant d’opérettes. Enfin !

Tout s’enchaîne d’ailleurs.