Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tendre, après quelque gronderie vague sans doute :

À MAMAN

Va, n’espère jamais ressembler à ces mères
Qui font, à l’Ambigu, verser larmes amères ;
Tu n’es pas solennelle, et tu ne saurais pas
Maudire avec un geste altier de l’avant-bras ;
Tu n’as jamais cousu, jamais soigné mon linge,
Tu t’occupes bien moins de moi que de ton singe ;
Mais, malgré tout cela, les soirs de bonne humeur,
C’est avec toi que je rirai de meilleur cœur ;
Ensemble nous courrons premières promenades,
Car je te trouve le plus chic des camarades[1].

Je me rappelle quel accueil me fut fait en cette maison, et comme ma timidité s’évanouit peu à peu. On disait des vers, et les applaudissements de même que les critiques de Nina portaient juste. Là, je récitais les Grecs, les Romaines, et bien d’autres poèmes ; je me débarrassai peu à peu du terrible accent gascon ; au lieu d’avoir l’air de mâcher de la braise et du fer, je m’appris, en compagnie des musiciens poètes et des diseurs de vers nouveaux, à adoucir les sons barbares, à discipliner les syllabes fauves.

  1. Feuillets parisiens, volume posthume de Nina de Villard.