Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/127

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que la robe, formaient une sorte d’auréole autour de son chignon. Je fus frappée de la beauté de ce visage pâle et tranquille : le velouté des yeux, le dessin du nez, la grâce du sourire, formaient un ensemble harmonieux, paisible, presque sévère, qui contrastait avec l’éclat un peu bruyant de sa toilette excentrique.

« On venait de la peindre dans ce costume : à demi couchée sur un canapé bas, entourée de fleurs et d’éventails. Elle en montrait une joie enfantine. Ce fut l’époque marquante de sa vie, dont le souvenir ranimait son esprit, pendant les trois années troublées qui ont précédé sa mort. Tout datait de là. — J’étais belle, alors, disait-elle avec mélancolie… J’étais belle parce que j’étais heureuse… Et le passé revenait avec mille petits détails intimes, tendres ou joyeux, qui ramenaient la vie dans ses regards et sur ses lèvres.

« Tant qu’elle fut bien portante et entourée, je la voyais peu, malgré la sympathie très vive que m’inspiraient sa remarquable intelligence et ses goûts artistiques ; il y avait trop de monde dans le petit hôtel de la rue des Moines pour qu’une intimité pût s’établir entre nous. —