Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/149

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quand même l’Espoir, tirant sur la Peau de chagrin, et ne voulant pas encore remiser ce Chat botté tenace dont il était le marquis de Carabas.

Et alors c’est une série d’anecdotes bizarres, de mots extravagamment héroïques, où le comte de Guinnes, caché sous le démocrate André Gill, se révélait aux auditeurs ahuris.

Un jour, on descendait en bande la rue Saint-Jacques. Un camarade taquin poussait Gill, lui disant que sa célébrité, qu’il croyait si grande dans la foule, sa popularité ne dépassait pas les gens de lettres, les artistes et les politiciens.

— Nous allons voir, dit Gill. Et, avisant une échoppe où un gnaff clouait des souliers, il lui dit :

— Vous connaissez André Gill, vous ?

Le gnaff interrompit sa besogne, et, après un instant de réflexion.

— Gille ! dit-il avec un fort accent, Gille ! Non, nous n’avons pas cha dans la partie.

— Mais André Gill, le caricaturiste ?

— Caricaturichte ! fit l’autre ; je ne le connais pas.

— Eh bien ! répliqua le dessinateur, avec un grand geste, eh bien ! vous êtes le seul !