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Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/151

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intime du rêveur et l’orgueil de l’homme public qui dut à la longue détraquer ce cerveau brillant. La manie des grandeurs se glissa par la fêlure et saccagea, emportant ensemble le doux poète et le tribun grandiloquent, le bon garçon faubourien et l’assoiffé de millions.

J’aurai l’occasion de reparler de ce disparu, à propos des Hydropathes et du Chat Noir, où il vint porter les dernières lueurs de son esprit chancelant.

La solitude relative où je me trouvais dans ce vieux quartier Latin me laissa le calme nécessaire pour plonger dans mes cartons et en tirer pièce par pièce la valeur d’un volume de vers que j’intitulai Fleurs du Bitume.

Exilé depuis six ans, loin des champs, loin des rivages, vivant exclusivement dans une chambre banale d’hôtel garni, ou errant par les rues, sur les trottoirs bitumés et dans les cafés qui servent de prolongement abrité aux trottoirs, je n’avais pas à composer mon bouquet avec d’autres fleurs que celles qui poussent sur l’asphalte : Poètes vagabonds, filles qui passent, rêveries sous les becs de gaz, pareils à de frêles arbres de lumière, bals pu-