Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/279

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quatre cierges allumés ; dans un pot d’étain, un peu d’eau et un goupillon. Puis l’ami D… en maître des cérémonies, le jeune peintre S… en religieuse, G… en simple sonneur, agitant l’un contre l’autre deux plateaux métalliques, imitant à s’y méprendre le son des cloches.

Quand quelqu’un entrait, on le priait de s’asseoir, sans faire de bruit. Dès que le cabaret fut plein, les discours commencèrent. Ce fut à qui dauberait sur le mort, on disait pis que pendre de ce cadavre, et Salis, caché derrière le piano, soufflait à l’orateur : Assez ! assez !

Que l’on trouve cela d’un goût douteux, il est certain pourtant que tous ceux qui assistèrent à cette parodie funèbre, s’y sont singulièrement amusés, d’un amusement nerveux, spécial, irritant, comme si, à une noce, après boire, on braillait en chœur quelques dies iræ sur un air de carnaval. Les collégiens et les étudiants sont coutumiers de ces plaisanteries lugubres. C’est un privilège de la jeunesse. Or, nous étions jeunes !

Comme moins triste parodie, il y eut l’élévation de Salis au grade de roi de Montmartre. Il dut revêtir un costume en or, des étoffes inouïes, se munir d’un sceptre. Après avoir