Page:Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sation d’atavisme hellénique, si remarquable et si remarqué parmi les gens qui jouent au baccarat.

Je fus également applaudi ; mais — ô funeste sort ! — je n’avais pas d’autographe à montrer. Je rentrais immédiatement dans la catégorie des poètes amateurs, des gens qui ne tutoieront jamais les étoiles. J’aurais, peut-être, ce soir-là, dit adieu à tout jamais à une carrière où il faut afficher brevet sur sa porte, à la façon des médaillomanes de l’École des beaux-arts, si, par un hasard heureux, M. T…, notre hôte, n’eût jugé à propos de terminer cette petite séance, où, pour la première fois je voyais des poètes face à face, par l’exhibition d’une œuvre de lui. Cela était un poème dramatique destiné aux Folies-Marigny. Lointain souvenir ! Hélas ! Nous nous tordîmes. Le blond Adelphe Froger se roulait, le brun Nodaret gloussait, moi, torve toujours, mais dépourvu d’impassibilité, je pouffais. Quels vers ! Quelle littérature !

Je compris, en entendant ces choses innommables, que les brevets du maître des maîtres étaient une simple formule de bienveillance, et ne tiraient pas à conséquence. Cela me consola d’en être dépourvu.