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Page:Gouges - Départ de M Necker, 1790.djvu/18

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qui s’est fait homme depuis long-tems pour trouver une manière de tout dire.

Un marchand étoit occupé ces jours derniers à terminer un marché ; il entend battre la caisse ; aussi-tôt il se lève, court au tambour, revient dans sa maison, culbute les chaises et les gens qui se trouvoient devant lui : « Vite, ma femme, s’écrie-t-il, mon habit d’uniforme, mon sabre, mon fusil, mes pistolets ; les ennemis sont au Palais-Royal, et nous allons voir beau jeu. Sa femme avoit beau lui répéter : mais, mon ami, terminez avec Monsieur ; nos affaires sont plus pressées ; laissez les ennemis au Palais-Royal ; d’ailleurs, vous le savez, ils ne sont plus à craindre puisqu’ils n’ont plus de chef. — Qu’appelez-vous, ma femme, reprit le marchand (harnaché et armé jusqu’aux dents) pour qui prenez-vous les aristocrates ? jour de Dieu ! Tant que l’ame me battra dans le corps, je poursuivrai cette maudite engeance. Quoi, lui dit sa femme en pleurant, à chaque instant du jour tu désertes la maison, et tu n’y rentres que pour prendre de l’argent ou faire du bruit ! où est le tems que tu vivois si bien avec moi ? où tu craignois tant de me quitter ? — Cette peur, lui dit-il, m’a bien passé ; depuis la révolution, mon front est à