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Page:Gouges - Départ de M Necker, 1790.djvu/7

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dangers ; voilà où nous différons. Vous êtes découragé, moi de même ; voilà où nous nous ressemblons.

Vous avez huit cents mille livres de rente et vous êtes malade ; et moi, tout mon bagage tiendroit à présent dans un chausson, mais j’ai une santé à toute épreuve ; voilà où nous différons. Nous quittons tous deux la France en déplorant la perte de nos peines et de nos travaux ; voilà où nous nous ressemblons.

Vous partez la bourse abondamment garnie, dans une berline bien douce et bien suspendue ; et moi, presque ruinée par mes imprimeurs, je pars, juchée dans une cariole rude et mal attelée, entourée de ma chère collection dramatique et patriotique, semblable, à cet égard, au divin Homère, qui gagnoit, dit-on, sa vie en récitant de ville en ville les vers de son poëme immortel ; ah ! voilà le point où nous différons de beaucoup. Vous emportez un porte-feuille plein d’excellens projets qui n’ont pas réussi ; je vais, moi, faire connoître à l’étranger les écrits d’une femme qui auroient peut-être sauvé la patrie, si on ne les eût pas d’abord dédaignés et calomniés, mais qu’on ne suit pas moins actuellement ; voilà encore où nous différons le plus.

Ne croyez cependant pas, Monsieur, que je