Page:Gouges - Départ de M Necker, 1790.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rendre hommage ; quand ils ne paroissent pas tels à mes yeux, une louange fausse et intéressée ne peut sortir de ma bouche.

Voilà mon caractère ; mes écrits et ma conduite l’ont fait connoître assez. Ainsi, Monsieur, vous ne pouvez, ni vous fâcher, ni même vous plaindre d’une franchise que j’avois manifestée dans un temps où l’assemblée nationale n’avoit pas encore établi l’homme dans tous ses droits. Nous vous devons en partie, je le sais, ce bonheur ; et nous vous le devrions peut-être en entier, si Jean-Jacques ne nous avoit appris que le philosophe qui voit agir les hommes dans un petit cercle, les verroit agir bien différemment, quand ils sont en grand nombre, mêlés confusément. N’en recevez pas moins mes remercîmens pour ce bienfait.

Qu’il est cependant dangereux, Monsieur, de détourner les hommes de leurs habitudes ordinaires, quand ils ont pris un certain à-plomb ! Il en est des gouvernemens policés comme des ruches d’abeilles ; approchez-vous de ces ruches sans précaution, vous dérangez les abeilles de leur travail, elles s'échappent ; elles vous piquent ; l’essaim se disperse ; il est perdu. Voilà, ce me semble, l’allégorie la plus vraie de notre situation.

J’ai, Monsieur, des idées bien bizarres ou bien