Page:Gouges - Sera-t-il roi (1791).djvu/3

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diſcorde échauffe les têtes & ſubjugue la raiſon : je ne condamne pas moins la démarche du Roi, elle eſt affreuſe dans toute ſon obſcurité, & m’en lavant les mains, je m’étois promis le ſilence ſur cette affaire ; mais puis-je me taire quand je vois renverſer ma Patrie ſous le prétexte de la ſoutenir.

Portez vos regards ſur les projets des trois Partis, ſur les tentatives des émigrans coaliſés avec les Puiſſances étrangères, & prononcez, il vous le pouvez, ſans frémir, ſur le ſort du Roi. Je vous plains, véritables amis du bien public, nos plus cruels ennemis nous entourent de toutes parts ; c’eſt ainſi que je fais parler la vérité, duſſé-je en être une grande victime : mon génie eſt ordinaire, mon talent eſt médiocre, mais j’ai prévu de loin l’état actuel des choſes ; un jour peut-être, mes écrits à la main, on citera mes prophéties. Puiſſent mes dernières obſervations déſarmer les méchans & convaincre les juſtes ! il s’agit du Roi, je reprends mon texte.

Si le véritable Parti Patriote de l’Aſſemblée Nationale l’emporte ſur les factieux, il doit nommer une Députation parmi ſes Membres, & la charger auprès du Roi de la propoſition qui ſuit :

Sire, il ne fallut qu’un jour pour vous conſacrer l’amour de votre Peuple, ce fut le jour de votre avénement au Trône. Cet amour conſtant s’eſt ſoutenu pendant ſeize ans ; vous en avez reçu des preuves non équivoques dans un temps où entouré d’une Cour vicieuſe, le déſeſpoir des François & le mécontentement général a retenti juſques dans votre Palais ; alors vous avez appris que le pouvoir d’un Roi n’eſt rien quand il n’eſt pas émané de la force ſupérieure, & ſoutenu de la confiance du Peuple.

A travers la tempête les François ont reſpecté leur Roi, nous diſons plus, ils l’ont adoré de nouveau. On n’a pu éviter, il eſt vrai, quelques hoſtilités de la part des ſéditieux, effets inſéparables des grandes révolutions ; mais la maſſe du Royaume