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nom, la misère et les privations n’avaient jamais altéré sa dignité ; l’âge l’avait faite plus dure, l’habitude de souffrir l’avait rendue moins facile à l’attendrissement, sa piété avait plus de justice que de douceur, plus d’austérité que de miséricorde.

Dans le pays, on la respectait profondément, on la saluait très bas, malgré l’économie extrême qui la forçait à ne pas répandre aucun bienfait en nature ou en argent ; mais on venait la consulter pour des peines morales et physiques jamais en vain. Le conseil donné était toujours productif et empreint de sagesse. Près d’elle, depuis des années, la vieille servante Rosalie la servait avec fidélité ; pas payée, peu nourrie, elle vénérait cette solennelle maîtresse dont les vertueux exemples l’édifiaient. C’était entre ces deux femmes que Michelle allait apporter le sourire de ses sept ans.


IV


Le matelot Lahoul faisait voler sur les lames courtes, moutonnantes, la barque légère où, frissonnante, enveloppée d’un petit châle de laine, toute menue pour son âge, Michelle se tenait blottie.

Ses grands yeux naïfs suivaient le vol des mouettes, ses petites mains d’instinct s’appuyaient sur la rame rappelant en cette pose le joli tableau de Renouf : « Un bon coup de main. »

Le marin riait, fort et bon quand des volées d’écume les fouettaient au visage, et rapprochant de lui l’enfant :

« As pas peur, ma petite Mouette, c’est la mer qui te souhaite la bienvenue, elle t’embrasse. »

Michelle passait sur ses lèvres sa langue