Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/16

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rose trouvant amer le baiser, mais heureuse du grand air, de cette sympathie qu’elle devinait ; elle riait.

La petite Parisienne n’avait jamais vu que les rues populeuses, l’école, les arbres poussiéreux au boulevard extérieur, et cette transplantation en pleine nature la ravissait.

Le souvenir de sa ville natale n’amenait aucune larme à ses paupières que le vent faisait clignoter, elle s’en allait au souffle du destin comme une fleur détachée roule dans l’espace. Chétive, mais aguerrie, ainsi que tout ce qui pousse durement, elle n’avait pas de cris, ni de caprices. Embarquée dans son wagon de troisième classe, elle avait mangé, dormi, aidée par l’un ou l’autre de ses voisins. Réclamée à la gare de Saint-Malo, par un matelot inconnu envoyé par sa grand’mère, elle voguait maintenant sous la protection du brave Lahoul vers cette parente, son dernier refuge.

« Alors, dit Lahoul, tu viens de Paris, tu as roulé depuis ce matin dans le train, eh bien, ma belle, en voilà une brise qui va te déballer la poussière du voyage. Tu es contente de venir à la Roche-aux-Mouettes ?

— Je sais pas, fit l’enfant rêveuse, l’esprit retourné vers la classe où des petites amies lui restaient. Qu’est-ce qu’on y fait à la Roche-aux-Mouettes ?

— Ah ! dame, on n’y fait pas de la rigolade pour sûr : Mme la marquise lit des papiers qu’elle appelle : l’armoirial de France.

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

— M’est avis que ça pourrait bien être de la pâture pour les rats.

— Ah ! fit Michelle sans comprendre.

— Dame, je me demande ce que tu pourras bien faire là-bas, toi, la petite Mouette, entre la douairière de Caragny et sa servante