Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/291

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pour eux que je trime. Les aînés sont avec les bêtes à pied en avant, moi je suis resté en arrière pour d’autres achats. La marmaille est de reste au logis avec la bourgeoise.

— Savez-vous à quelle heure j’aurai un train pour la France, demain matin ?

— À huit heures environ, à dix je crois.

— Merci. »

Elle se tut. Ce train de huit heures serait admirablement son affaire, nul ne devinerait qu’elle avait pu le joindre, et puis, si on prenait des informations dans le pays, cet étranger, ce sauveur de rencontre qui partait comme elle, ne saurait la trahir. Son ange gardien veillait sur elle.

La nuit invite au silence, les trois voyageurs, bercés par une rapide allure, s’assoupissaient à demi et le temps ainsi courait plus vite.

On traversait des villages endormis où pas une lumière ne brillait aux fenêtres, les arbres feuillus se détachaient fantastiques au sommet des côtes, pas un passant ne croisait la carriole. Quand ils aperçurent le clocher de la cathédrale de Fribourg, minuit sonnait lentement, solennellement. Ils dévalèrent une pente et se trouvèrent au bas de la « Kaiserstrasse ».

« Moi, je descends à Gasthousetopf, dit le conducteur, et vous ?

— Moi, je vais aller le plus près possible de la gare : Victoria-Hôtel. »

Elle connaissait bien la ville pour y avoir souvent séjourné avec Hans, elle y avait même des relations, mais à cette heure elle ne les redoutait nullement. On passait devant la caserne, devant le monument de la Victoire qui se dresse fièrement à l’entrée de la ville.

« Veuillez me laisser descendre, Monsieur, demanda Michelle, je Vais maintenant aller à pied. Tenez, prenez ceci. »