Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/340

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nant, va dormir, mon enfant, tu es vraiment plus sage que moi. »

Michelle sortit de la chambre, surprise et affligée, son âme toute seule avait vibré.

« Seigneur, murmura-t-elle en s’agenouillant sur son prie-Dieu, voilà le fruit d’une éducation non chrétienne. Cette enfant, élevée par une protestante, n’a pas l’idée de la douceur sainte du sacrifice, elle est dure et froide comme le rocher de Rantzein. Seigneur Dieu, changez son cœur ! »


IV


Le séjour de la comtesse Hartfeld à Rantzein se prolongea un mois. Frida menant seule sa barque choisit pour pilote Ulric d’Urach. Le mariage se décida promptement. Les anneaux de fiançailles s’échangèrent et l’on parla de conclure l’union au printemps. Ainsi qu’il est d’usage de l’autre côté du Rhin, on serait fiancés de longs mois. Michelle et Wilhem cette fois approuvaient pleinement ce mariage, les d’Urach étant bien connus pour leur foi et leur loyauté.

Wilhem avait repris sa vie militaire, Henri et sa mère retournèrent en France.

L’adieu des deux frères avait été ému. Ils s’étaient embrassés le cœur débordant sans parler, mais avec une même pensée décevante d’éternelle séparation morale.

Michelle, une fois de plus, avait comprimé son cœur pour y retenir l’explosion d’amertume que rien ne pouvait épancher. Et Edvig, très malade au moment de l’adieu de sa belle-sœur, avait remué les lèvres sans articuler aucun mot, comme si une volonté étrangère l’eût poussée à des paroles qu’elle ne voulait pas dire. L’âme d’Hans devait planer à l’entour et mettre une ombre de remords en l’âme de la dure vieille fille.