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Page:Gouraud d’Ablancourt - Le Mystère de Valradour.djvu/40

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— Merci, fit simplement René ; si je pouvais un, jour rendre service à Charles, je le voudrais. Quand partons-nous ?

— Pas avant la chute du jour. En attendant, vous voyez là-bas cette petite tente. C’est une cantine pour les ouvriers, il y a un petit fourneau et quelques subsides.

— Ah ! tant mieux ! j’ai tellement soif !

— Allez-y, mon enfant ; avez-vous de l’argent ?

— Oui, merci, j’ai tout ce qu’il me faut.

— Est-ce sûr ? Vous ne pouvez offrir de l’argent français sans vous compromettre, vous êtes ici en Allemagne.

— Ici, c’est la Champagne !

— Certainement… mais allemande. Voici un mark.

— Oh ! non.

— René, vous me feriez de la peine. J’ai si souvent dîné chez vous, à Paris. Et votre oncle Pierre ?

— Soldat !

— Mon Dieu ! J’ai réussi à ne nas avoir encore tiré un coup de fusil… Je suis dans ce que vous appelez les tringlots, mais allez vous restaurer ; avant deux heures, il fera nuit et nous partirons.

L’enfant s’éloigna radieux. Une fois de plus sa devise sortit de ses lèvres.

— « J’arriverai ! Dieu le veut ! » Tout de même, cela me blesse un peu de passer pour un Boche… Bah ! c’est comme si je jouais la comédie au patronage de mon oncle.

XIV

LE PROFESSEUR D’ALLEMAND

Une épaisse Badoise tenait la cantine, elle avait deux tresses blondes tombant dans son dos, un corselet noir à grosses manches courtes qui laissaient voir ses bras rouges. Elle se tenait près d’un fourneau et tricotait activement.

II faisait chaud sous la tente, la cafetière chantait sur le feu, dans une poêle grésillaient des saucisses et une marmite de pommes de terre montrait l’espoir d’un bon souper. La cantinière sourit au jeune arrivant :

Vas wollen sie ?

L’enfant et le chien s’étaient approchés du fourneau et René répondit en allemand, pris par le bien-être :

— D’abord une carafe d’eau, puis deux saucisses et des pommes de terre.

Une planche sur des tréteaux servait de table, une autre planche plus basse sur des tréteaux servait de banc. La femme l’observa :

— J’ai de la bière.

— J’aime mieux de l’eau.

Alors, à la grande surprise de la cantinière, le garçon avala à la file quatre verres d’eau, ensuite il en offrit autant à son chien qui les lappa d’un coup de langue. Puis il redemanda une autre carafe.

L’Allemande rit :

— Je vais vous apporter la cruche, jeune caneton.

— C’est cela, apportez la cruche.

Quand le maître et l’animal eurent bu, ils attaquèrent les saucisses et les pommes de terre. L’un allait plus vite que l’autre, et mangeait quatre fois autant. Ils achevèrent le repas par une tasse de café dont Mousson lécha longuement le fond plus sucré.