Page:Gouraud d’Ablancourt - Un éclair dans la nuit.djvu/39

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il était entré, il n’y avait pas la moitié de la nef emplie de fidèles, en revanche il put contempler un spectacle digne du temps des rois.

— Ah ! quel spectacle ?

— L’officient venu attendre au bas de l’église, précédé de la Croix et d’un enfant de chœur qui portait le seau à l’eau bénite, une dame âgée, habillée comme une quakeresse, accompagnée d’une autre dame, pas plus élégante qui arrivait à pied. Le curé s est avancé au-devant d’elle et lui a offert l’eau bénite qu’elle a acceptée, puis il l’a précédée jusqu’au prie-Dieu placé en haut de la nef où elle s’est agenouillée.

— C’était la princesse Clotilde de Savoie. Elle restait souvent en séjour chez sa cousine la princesse Mathilde dont je vous ai montré la belle résidence. C’était une femme d’une haute vertu. Songez que pendant la longueur d’une grand’messe, elle ne s’asseyait jamais, restant toujours debout ou à genoux. Sa dame d’honneur également.

— C’est fort méritoire, approuva Onda, elle était ia seule de sa famille à garder une pareille foi.

— A ce degré sans doute, mais la princesse Mathilde pratiquait sa religion, Napoléon III aussi, évidemment il n’assistait pas chaque jour à la messe comme Louis XIV, mais la religion catholique était à cette époque celle de la France. La sœur de Clotilde, la reine Maria-Pia de Portugal, bien qu’elle fut à l’inverse de la femme de Jérôme Napoléon, une élégante modèle, était très démonstrative en sa dévotion. Dans mes voyages, je suis passée à Montcalieri, en Piémont, où résidait la digne princesse, et où elle menait une vie de religieuse, même quand elle recevait la reine de Portugal.

— On demande Madame au téléphone, vint interrompre le maître-d’hôtel.

— Qui donc Joseph ? Voulez-vous le demander.

— Grand’mère, cette belle invention moderne du téléphone annule la paix des familles.

— C’est bien commode, mon petit, que d’écritures elle évite !

Le domestique rentrait : .

— Madame, c’est M. Platon qui demande si ces jeunes Messieurs vont rentrer coucher à Paris.

— Je vais parler à Papa, dit Onda en courant au petit salon.

— Va, nous te suivons, nous avons fini de dîner.

— Votre petit-fils aime beaucoup demeurer chez vous, Madame, observa Tancrède.

— Et moi, je suis si contente de l’avoir ! Il y a entre nous deux une grande similitude d’idées.

— Et une grande ressemblance physique aussi.