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prenez donc, chère Madame, si je cède une fois, je suis perdu, envahi, harcelé par tout le quartier. Mon temps sera pris uniquement par des intrigants.

— Mais la charité, docteur...

— Je l’exerce. J’ai dans ma poche une collection de cartes pour acheter à des ventes de charité. Ah ! les riches savent quêter !

— Il y a une meilleure action à commettre docteur...

— Ecoutez, interrompit Nartel, je ne puis céder sur un principe, mais pour vous être agréable, voici ce que je ferai. Je vais vous donner les onze cents francs. Vous les porterez à cette personne et elle viendra payer à la caisse.

— Quelle chinoiserie.

— Une sauvegarde seulement. Je vous supplie de ne pas dévoiler le... truc. 11 faut que la femme croit que l’argent vient de vous.

— De moi ! Je ne peux pas me glorifier d’une bonne œuvre que...

— A prendre ou laisser, chère Madame. Voici les deux billets. Et maintenant au revoir, je suis débordé.

Eléna ahurie, alla trouver l’institutrice, lui remit 1500 francs en disant : « Payez la dette à la maison de santé et gardez le reste pour donner quelques douceurs à vos élèves. »

De ce jour la grand’mère devint une bienfaitrice de l’école libre catholique du quartier. Elle y assistait aux prix, régalait les enfants, était aimée de tous.

Ce soir de festin, Nartel était fort gai, le député Hirsch, lui lança du bout de la table :

— Et vos « Trois Vieilles » docteur, qu’est-ce que vous en faites ?

— Des jeunes ! Monsieur, leurs rides s’effacent, leurs dents repoussent, leurs cheveux redeviennent blonds ou noirs, leur taille s’assouplit.

— Qu’est-ce qu’un pareil miracle ? demanda le général. La science en fait donc quelquefois ?

— Des miracles ! Ils sont quotidiens. On les coudoie, on les contemple, seulement on ne sait pas les remarquer. Quant à mes « Trois Vieilles ». c’est une expérience que j’ai tentée et elle triomphe.

— Bah ! c’est de la prestidigitation, osa le ministre Josias.

— Venez voir, Monsieur le Ministre, je compte d’ici à quelques jours, riposta le docteur, convier des savants à constater mon œuvre de rajeunissement physique.

— Seulement physique ? interjeta Eléna.

— Je ne suis pas encore fixé sur ce point... Madame, c’est une question plutôt philosophique que médicale.

— Mais qu’est-ce que vous leur faites avaler ?