Page:Gouraud d’Ablancourt - Un éclair dans la nuit.djvu/55

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— Non ! mon ami, ce n’est encore que le second, la santé passe avant. A ce soir, mon petit Tanc. Tiens emporte ce panier, il y a dedans un mulet pêché par Jean-Yves, il est cuit.

— Toi Yanik, tu as l’âme la plus noble, tu es l’amie des mauvais jours !

Il embrassa la bonne figure où s’alliaient une larme et un sourire et marcha à grands pas dans la rue étroite jusqu’au Sillon où la mer léchait doucement les troncs d’arbres placés sur la plage pour briser les vagues devant le remblai. Il regardait l’horizon bleu, la brume s’était dispersée.

VIII

MÈRE ET FILS

Tancrède parcourait la maison vide, sonore, où les pas avaient un écho, il retrouvait sa chambre dénuée du moindre meuble, la tapisserie de cretonne bleue était déchirée. Dans celle de sa mère, un monceau de papiers occupait le milieu, pas même un siège, rien. Il retourna une caisse d’emballage, s’y assit avec sa mère et ils commencèrent le triage : des factures, des carnets de banque, des traites, des livres de comptes, des lettres marquées de couronnes à perles et à fleurons.

— Tout cela, depuis des années s’accumulait dans le bureau de mon mari, expliquait la comtesse, nous allons descendre ces débris dans la cour et les brûler, voyons avant si rien n’est utile à garder.

— Voici une liasse de papiers timbrés, maman.

— Des exploits d’huissier... à flamber.

— Et cela : des reçus de l’entraîneur, du jockey, les chiffres sont importants : « Reçu mille francs de M. le Comte de Luçon pour soins donnés à Myra. Promenade d’entraînement de Myra, lotions, flanelles, couvertures : Huit mille francs. Encore : nourriture de Myra, douze mille cent francs. Tu vois, mon enfant, où coulait notre fortune. Myra, et puis Fleurette, ces pouliches devaient toujours gagner le Grand prix ! Illusions. Maintenant, lis cette lettre : « Mon bien cher ami, sauve mon honneur, ma vie, je ne vois que toi pour me tendre la main. J’ai perdu hier au cercle cent cinquante mille francs. Prête-les moi... Je te rembourserai aussitôt que j’aurai récupéré le produit de la vente de mes fermes. Compte sur moi. Mon vieux camarade, envoie vite par mandat télégraphique.

« Emmanuel de Lanfrouze. »

Et au bas de la feuille de la main du Comte : envoyé cent cinq mille francs le 10 mars.