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L'HOTEL DE LA TABLE RONDE

Il s’agissait d’aménager « l’IIostellerie de la Table Ronde ». La patronne, Mme Clélie Martin trouvait, en son employée, Mme Noëlle Luçon une aide intelligente, active, remplie de bonne volonté. Elle avait accepté le jeune Luçon comme courrier cycliste, ce qui, au moment où les baigneurs seraient là, suffirait à l’occuper, mais pour le moment, lui laissait assez de temps pour qu’il put aller souvent en mer avec Marsoin, pêcher. Tancrède aimait cette vie nouvelle, utile et bonne, il apprenait à conduire la barque, à jeter le chalut, il portait à la poissonnerie les corbeilles emplies de poissons, il assistait à la criée, s’initiait au commerce en un mot. Sa mère voyait avec bonheur, la gaité et la santé fleurir le visage de son fils. Mme Clélie trouvant ce nom de Tancrède un peu long l’appelait Credo, Yanik l’appelait Tanc, entre les deux, le jeune homme répondait en riant :

— « Tanc », je passe partout comme un tank, « Credo », je crois ! C’est magnifique et vrai. Sa mère l’avait présenté au curé de la paroisse, le digne abbé Kerjean, dont la vaillante parole l’avait soutenue dans ses moment pénibles et le prêtre, intéressé par ces deux êtres courageux, avait offert au jeune homme de faire partie du patronage de la paroisse. Tancrède avait accepté d’enthousiasme, la gymnastique qu’on y pratiquait, était un jeu pour le collégien. Quant au chant, il l’apprit avec une grande facilité, il savait d’ailleurs parfaitement le latin. Il était d’instinct le chef de la jeune bande, tous les camarades l’aimaient. Décidément la vie s’arrangeait pour le mieux.

Dès le mois de juin, les baigneurs affluèrent, Albion, donnait l’élan, « l'hostellerie de la Table Ronde » regorgea d’hôtes d’outre-Manche. Malgré un prix élevé, on y accourait de préférence, parce que le confort était absolu, que la maîtresse de maison était affable et prévenante. Celle-ci d’ailleurs paraissait peu, la tenue des livres, les achats, l’organisation de la cuisine l’accaparaient, aussi se reposait-elle sur son aide de distinction : Mme Luçon qui recevait les arrivants comme des invités et leur parlait leur langue. Le jeune courrier savait renseigner les étrangers sur toutes les excursions, les accompagnait quand il le souhaitaient et avait la tenue irréprochable d’un gentilhomme, au langage choisi, qui reçoit chez lui. Aussi n’osait-on lui offrir de minces pourboires.

La première fois qu’un client lui avait tendu une des pièces jaunes à l’ordre du jour, il avait rougi violemment, puis avec un reproche intérieur pour ce geste d’orgueil,