Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/145

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âge et la tradition. Tout le siècle est dominé par ce grand fait littéraire.

Littéraire, car il ne s’agit même pas de supposer légitime le droit unique à la vérité absolue qu’une religion proclame. Il ne s’agit pas de vérité. En Grèce, la vraie religion était la religion des temples. En France, la vraie religion est la religion des clochers. Autour du clocher sous lequel on prie, les danses lupercales signifient que les dieux n’ont cédé au Christ que la moitié de leur royaume. Un jeune poète catholique a appelé la sainte Vierge « cette belle nymphe », voilà la vraie tradition du catholicisme populaire. Aucune religion n’est jamais morte, ni ne mourra jamais ; celle dont le nom s’abolit revit dans celle qui resplendit au grand jour. En plusieurs temples d’Italie, on ne prit même pas le soin, au Ve siècle, de changer les statues vénérées, et Déméter nourrice devint tout naturellement une Vierge à l’enfant[1] : en quelques autres, même en Gaule, on garda le nom du dieu avec la statue de jadis et le culte, changé dans la croyance des prêtres, demeura immuable dans la croyance du peuple. Vénus est toujours aimée sous le vocable de sainte Venise, que l’imagerie repré-

  1. Voyez la figure 1295 du Dictionnaire de Saglio.