Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/111

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Or, et voici où l’éloquence triomphe magnifiquement, M. Mauclair s’empare de cette formule sèche et rude, l’enveloppe dans les somptueux plis de son style opulent ; il drape, il ajuste, il ordonne, il dispose ; les longues étoffes deviennent tunique, robe et manteau ; le mannequin s’anime ; en vérité il sourit et on croit qu’il respire ; la créature est complète : on la voit, on l’admire, on l’aime. D’une phrase sombre toute une théorie du symbole vient de naître, qui s’épanouit dans sa richesse verbale. Peut-être qu’ensuite nous reviendrons à la phrase sombre précisément parce qu’elle est sombre, mais nous aurons joui, merveilleux intermède, de toutes les douceurs de la lumière.

M. Mauclair fait parfaitement comprendre la justesse de cette vieille métaphore, « la magie du style ». Son style est magique non par l’éclat des couleurs, ou par l’éclat des sonorités, mais pour la beauté de sa couleur unique et la pureté de son timbre. Il ressemblerait à ces rivières qui coulent avec une fluidité riche sur un fond de sable doré mêlé de cailloux dont la résistance se résout en une musique lente, profonde et continue. Si cela ne devait être totalement incompréhensible,