Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/135

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se renseigner personnellement sur la différence des sexes. Babylas n’est pas le médiocre d’un milieu humble ; c’est un être nul arrêté dans son développement vers une nullité équilibrée ; et encore autre chose, car il contient du grotesque : c’est une larve, un gnome. Il n’a ni cheveux, ni barbe ; dès sa première jeunesse, il doit couvrir d’une perruque son crâne de poussin duveté à peine ; pourtant, ce n’est ni un idiot ni un noué : c’est une maquette.

Il est presque prodigieux que l’auteur ait réussi à donner l’existence à un être qui semble si peu fait pour vivre, à déterminer ses paroles, ses gestes et jusqu’à sa vie intérieure, à le bien poser d’aplomb dans son ambiance, debout sur ses maigres jambes, bien logique avec lui-même du dehors au dedans et du dedans au dehors. On est en présence d’une création baroque, bizarre, falote, mais tout de même d’une création ; tels, un ivoire de Chine, un bronze du Japon nous donnent, si loin qu’ils soient de nos goûts secrets, l’impression d’une œuvre d’art.

S’il est réussi, c’est-à-dire si l’impression première qu’il laisse est celle que l’auteur a voulue, un livre offre par surcroît une impression seconde