Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/256

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J’ai placé, pour cacher son rictus trop morose,
À ses troublantes dents ma cigarette rose,

Puis j’ai posé le tout (à la place d’un saint)
Dans une niche, sur les velours d’un coussin.

Et je songe qu’ainsi (méditations mornes !)
La Catin ne peut plus me gratifier de cornes !


Ces deux notes, l’une de mélancolie, l’autre d’ironie, persistèrent à sonner jusqu’à la fin dans les vers d’Aurier, et on les retrouvera dans le Pendu et dans Irénée.

Quant aux caractères propres, différentiels de sa poésie, ce sont, il me semble, la spontanéité et l’inattendu. Il ne fut jamais un chercheur de pierres précieuses : il sertissait celles qu’il avait sous la main, plus soucieux de leur mise en valeur que de leur rareté ; mais, pêcheur de perles, il le fut aussi trop peu et, trop confiant en sa force improvisatrice, il laissa, même en des morceaux jugés par lui définitifs, échapper des à peu près et des erreurs. Cela vaut-il mieux que d’être trop parfait ? Oui, quand la perfection de la forme n’est que le résultat d’un pénible limage, d’une quête aveugle des raretés éparses dans les dictionnaires, d’un effort naïf à tirer, sur le vide d’une œuvre, un