Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/82

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le vague portrait d’une jeune fille, quelqu’un passa qui dit un nom…

» Ainsi je vous connus ; ayant entendu votre nom, ô vous, je vous rêvai. »

Ainsi débute un poème à la gloire de cette femme de rêve que l’on retrouve, souvenir ou vision, « face adorable », en plusieurs autres pages où elle est le symbole de l’idéal, de l’inaccessible. Ils sont très doux ces poèmes en prose paresseusement rythmée et d’une grande pureté de ton ; et toujours Antonia surgit aux dernières lignes, rappelant le poète aux impossibles amours. Mais les femmes, les vraies femmes en vraie chair et en vraies robes détestent cette inconnue qu’elles devinent, nuage miraculeux, entre leur beauté et les yeux du berger ; — et la bergère dit : « … Et puis, nous savons bien, berger de mensonge, que nous ne sommes pour vous que l’occasion, que le quotidien, le hasard. Vous ne nous aimez point. Celle que tu aimes réside au ciel de cet esprit qui s’envole si loin au-dessus de nous. Oh ! nous finissons par comprendre que tu sois si volage, si aveugle, si dur. La seule que tu aimes, menteur, n’est pas parmi nous… Habite-t-elle de l’autre côté de la mer, ou sur la montagne de neige ou dans