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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/168

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pour faire la cour au parti dominant, et Fabre gagna beaucoup d’argent. Il avoua lui-même, dans son apologie, que le théâtre, en quelques années, lui « avait rendu plus de cent cinquante mille francs ». Eu égard au pouvoir de l’argent pendant la Révolution, c’est une somme énorme ; cela éveilla donc des soupçons. On l’accusa de concussion ; on imagina aussi qu’il avait falsifié un projet de décret destiné à prévenir les fraudes des fournisseurs de l’État. L’histoire est obscure, mais sans intérêt. Fabre faisait envie ; l’envie fut la plus forte : on lui coupa le cou. Hélas ! il faut bien dire qu’il l’avait mérité, s’il est vrai que celui qui se sert de l’épée doit périr par l’épée. Participant au pouvoir, il avait été impitoyable. Il se vantait de sentir les suspects d’une lieue comme un bon chien de chasse sent le gibier ». Il était devenu fou, comme tous ses contemporains. Comment juger de tels hommes ?

En mourant, Fabre d’Églantine laissait, avec sa célèbre romance, une œuvre moins durable, mais qui intéresse encore par son ingéniosité, un peu simpliste, quoique un peu prétentieuse, le calendrier républicain. Tout le monde connaît ces jolis noms de mois, ventôse, prairial, brumaire, fructidor, etc. Parmi les douze, quelques-uns sont incompréhensi-