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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/204

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LES VOYAGES DE M. MORÉAS


Il vient une heure où l’on commence à se raconter. C’est une heure insidieuse. Elle ne sonne pas à son rang dans la série des heures ; elle est capricieuse, précoce ou tardive. Plus bizarre encore que ses sœurs, qui furent parfois bien singulières, elle se présente suivie d’un interminable cortège de minutes et de secondes : il y en a bien plus qu’il n’en faut pour remplir une heure ; c’est toute une vie qu’elle traîne après elle. Elle est impérieuse. Elle parle et se fait écouter ; elle se pavane et elle se fait regarder. Puis elle présente une à une ses compagnes avec des airs entendus. Elle sait se faire comprendre à demi-mot. Son sourire n’est pas énigmatique ; il est cruel, tant son ironie est pleine de certitude. Elle est patiente. Si l’on est distrait, ce jour-là, elle n’insiste pas. Elle s’en va en murmurant : je reviendrai. Elle revient, toujours plus tenace, plus ironique et plus impérieuse. Un beau