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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/205

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soir, elle s’installe. C’est fini ; elle ne vous quittera plus.

Son nom est le Passé. M. Moréas vient de recevoir la première visite de cette dame, qui lui a paru charmante ; il l’a écoutée volontiers, et il nous répète ses propos et ceux de ses suivantes. À vrai dire, ils sont un peu nuageux. Ce sont des souvenirs enveloppés de brume, comme les paysages matinals de l’Île-de-France, province que M. Moréas a élue entre toutes, dont il a adopté les mœurs et qu’il aime, peut-être davantage encore que sa Grèce natale. « La contemplation de la Seine, nous dit-il, et la lecture répétée du vingt-quatrième chant de l’Iliade enseignent le mieux ce que c’est que le sublime : je veux dire la mesure dans la force. » Et encore : « Le jour où j’ai aimé la Seine, j’ai compris pourquoi les dieux m’avaient fait naître en Grèce. » Et enfin : « L’ombre de Pallas erre dans sa ville bien-aimée ; Athènes peut se contenter de l’ombre de la déesse. Mais la fille de Zeus habite réellement Paris, car elle sait qu’il nous faut encore ici sa présence constante. » L’obscurité que l’on rencontre parfois dans les discours de M. Moréas n’est peut-être que de la discrétion ; il ne dit que l’essentiel, et nous sommes habitués, depuis le roman-