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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/215

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Je songe à ce dahlia, songeant à la poésie d’Henri de Régnier.

Il semble l’avoir définie lui-même en écrivant :

C’était l’Espoir
Qui fut assis dans l’ombre auprès du fleuve noir.

Et cela me fait voir encore une fois l’œil jaune et limpide dans la fleur ténébreuse. Tel qu’en songe est un poème, et non un recueil de poésies. C’est le poème, non du découragement, mais d’un découragement passager et qui sera vaincu par le retour de la joie. Il s’agit d’une crise et non d’une maladie définitive ; le poète le sait et cela lui permet de rythmer avec soin sa délicieuse mélancolie. Tous les organismes sensitifs connaissent ces états où l’on souffre et où l’on se délecte de sa souffrance ; mais on ne s’en délecte que parce que l’on en prévoit la fin ; il y a une espérance cachée au fond de l’âme. Une telle douleur n’en est pas moins sincère et vraie au moment où elle est ressentie. Née d’une mauvaise ivresse, elle est aussi réelle que née d’une incontestable blessure. La douleur, comme la joie, n’est qu’une manière de sentir, indépendante des causes logiijues que le vulgaire attribue à nos grimaces ou à nos sourires.

Mais qu’importe la sincérité d’une attitude, si