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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/157

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excuse ? On pardonnera à Rivarol jusqu’à ses injustices contre Beaumarchais, contre La Fayette, contre Mirabeau. Beaumarchais se plaignait, après une longue course à pied, d’avoir les jambes rompues : « C’est toujours cela », répondit Rivarol. Il a été particulièrement dur pour La Fayette, d’abord dans le Journal politique, puis dans une brochure[1] lancée à un moment où c’était celui de pardonner à un homme qui fit des fautes de caractère et de conduite, plus que de conscience. La Fayette cependant l’inspire mal, c’est-à-dire lui inspire plus de colère que d’esprit. C’est à peu près le seul personnage, avec l’équivoque duc d’Orléans et la fâcheuse gouvernante de son fils[2], qui le poussa à l’invective. Avec Mirabeau, peut-être parce qu’il le connaît mieux, il est plus à l’aise et sa méchanceté, même quand elle se fait cruelle, reste toujours la méchanceté d’un homme d’esprit. Il y a là, dans cette série, des mots d’une belle qualité : « Mirabeau est capable de tout pour de l’argent, même d’une bonne action » ; « Mirabeau est l’homme du monde qui ressemble le plus à sa réputation : il est affreux » ; « Mirabeau est franc en affaires ; sa conscience a un tarif : ainsi les filles

  1. De la vie politique, de la fuite et de la capture de M. de la F*** (1792).
  2. Portrait du duc d’Orléans et de Madame G… (1794).