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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/214

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parcourt ce livre, la Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, on est encore plus étonné de la bêtise que de la méchanceté du jésuite Garasse ; ses injures sont sans esprit et ses diffamations sont stupides. Il s’ébat lourdement parmi les mots de luxure : fornication, sodomie, bestialité, Gomorrhe et d’autres encore un peu moins honnêtes. Puis, c’est la grande accusation d’athéisme, de paganisme, d’idolâtrie. On se demande comment un magistrat tel que Mathieu Molé eut le courage d’accepter toutes les sottises de Garasse et de les rééditer dans son acte d’accusation. De notre temps, nous avons eu le réquisitoire du procureur général Pinard contre Madame Bovary et contre Flaubert ; le réquisitoire du procureur général Molé contre Théophile est plus bête encore. Vraiment, de tels défenseurs de la morale vous inclinent à une certame immoralité ; un honnête homme rougirait de ne pas mériter un peu, à son tour, les accusations de ces avocats de la vertu, de la religion et de l’hypocrisie.

Théophile écrit, en des vers adressés à sa maîtresse : « Je vous adore, je ne veux désormais avoir d’autre divinité que vous. » Ce n’est qu’une banalité d’amant passionné. Le procureur, soufflé par le jésuite, s’écrie : « Voyez, il renie Jésus-Christ, il ne reconnaît d’autre Dieu que « sa