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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/284

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lequel se feront les observations. II est rare que l’on découvre ainsi autre chose que des vérités très particulières, tellement particulières que le contraire est également vrai et tout aussi facile à démontrer. Le Parisien, nous dit Dostoïevski, aime passionnément la vertu et l’argent ; mais ce qu’il appelle la vertu, c’est encore l’argent. Assurément, il y a de tels Parisiens ; mais il y en a d’autres aussi. Le goût de l’argent est d’ailleurs loin d’être la caractéristique de n’importe quel groupe d’hommes dans n’importe qu’elle nation. Dire qu’un homme aime l’argent, c’est montrer qu’il évolue dans un milieu où l’argent est une conquête possible, c’est-à-dire dans un milieu riche. Le Français, l’Anglais, l’Américain aiment l’argent, parce que l’argent est chez eux un gibier que l’on peut atteindre. Le paysan russe est beaucoup plus désintéressé, parce que l’argent n’est pour lui qu’une chimère, un rêve de conte de fées. Ceci posé, trouvera-t-on bien exact que le Parisien aime beaucoup le commerce et qu’il vous écorche dans sa boutique, non seulement pour avoir des bénéfices, mais par vertu, par devoir sacré ? Il y a là une âpreté qui n’a, je crois, jamais été dans notre caractère. Autrefois, continue-t-il, on reconnaissait quelque chose en dehors de l’argent et l’homme qui n’en possédait pas, mais qui avait d’autres