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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/285

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qualités, pouvait compter sur quelque estime ; à présent, plus du tout. Sans argent, pas d’estime. C’est au point que le Parisien pauvre se méprise lui-même, s’il a conscience que sa poche est vide, et cela avec une conviction parfaite. Il ne recommence à s’attribuer quelque valeur qu’à mesure que l’argent rentre dans sa caisse. Cependant, il est encore un endroit où le désintéressement est admiré, le théâtre. En effet, le bourgeois, homme étrange, proclame que l’argent est une vertu supérieure et le devoir de l’homme, mais il aime à jouer aux sentiments élevés. Tous les Français ont l’air extraordinairement noble. Le plus vil, celui qui vous vendrait son propre père pour une pièce de vingt sous et vous donnerait même quelque chose par-dessus le marché, conserve une tenue si imposante qu’il vous inspire encore un vague respect. Au théâtre, il lui faut absolument du désintéressement ; rien, à son avis, ne cadre mieux avec sa tenue extérieure. Tel est le ton de la satire de Dostoievski. On voit combien il manque de finesse et de légèreté, à quel point il est paysan du Danube, il est paysan russe !

Je l’aime beaucoup mieux dans certaines remarques humouristiques sur les goûts champêtres du bourgeois de Paris. Le Parisien, tel que l’a connu Dostoïevski, en 1863, avait, outre sa passion