Aller au contenu

Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment métaphysicien, très peu tenté par les philosophies, dont il aurait sondé le néant, tourné surtout vers la curiosité scientifique et aussi vers les mille plaisirs somptuaires de la vie, vers l’ambition, vers la domination intellectuelle.

Rien ne lui aurait été épargné de toutes les jouissances de la sensualité, de la vanité, de l’intelligence. Il serait tombé dans tous les pièges éludés par le bonhomme, et de son vaste voyage rapporterait nécessairement une lassitude infinie. Le sourire de ses yeux, ce serait pour dire aux hommes qu’il a pénétré tous les mystères et que leurs curiosités lui semblent bien puériles. Sa mélancolie, ce serait le signe du regret qu’il garde malgré tout des féeries dont il fut le héros. Quant au dédain, il serait le signe du peu d’intérêt que la vie du commun des hommes peut lui offrir. Mais peut-être faudrait-il lui assigner encore un autre sentiment, à son retour de la fastueuse exploration au pays des jouissances humaines. Peut-être serait-il juste de lui donner, comme à saint Antoine, une certaine joie d’être revenu, d’avoir échappé à trop de plaisirs, d’avoir retrouvé, lui aussi, la simplicité de sa vie première. Finalement, la différence entre les deux héros ne serait pas aussi grande que je le croyais tout d’abord, car avoir tout rêvé équivaut peut-être à avoir tout éprouvé. Qui ne se souvient