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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/367

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sont encore affligés, maintenant, les pays protestants ; — mais si le rédacteur n’y vit qu’un sujet d’édification, un poète pouvait bien y voir un formidable drame : c’est ce qui arriva, lorsque, traduit en anglais, le pamphlet tomba entre les mains de Marlowe. En ce temps-là, la scène anglaise était libre et fréquentée par un public (au rebours de celui d’aujourd’hui) assoiffé de nouveau. Après les pastorales euphuistes de Peele et de Greene, après le Tamerlan et l’Edward II de Marlowe, pièces déjà innovatrices, il accueillit fort bien le Faust (1589) : « De toutes les pièces de Marlowe, le Docteur Faust, dit Phillips[1], est celle qui a fait le plus grand tapage avec ses diables et tout son tragique appareil. » Le côté féerie est très utile dans un drame, en corrigeant ce que l’action a fatalement de trop logique et de trop prévu : il n’est donc pas étonnant que la diablerie ait contribué au succès du Faust, qui se maintint de longues années à la scène, nous nous y serions intéressés encore, s’il nous avait été permis de mieux l’apprécier[2]. Cela est d’autant plus regrettable que le Faust de Marlowe, tout nu, est d’un assez médiocre intérêt dramatique.

  1. Dans le Theatrum Poetarum (1675) — Cf. Shakespeare’s Predecessors in the English Drama, by John Addington Symonds.
  2. Il s’agit de la répresentation, au Théâtre d’Art, en 1872, du Faust de Marlowe, traduction nouvelle.