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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/382

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manifestaient leur contentement quotidien d’avoir entendu, une fois encore, le verbe définitif.

Dans sa jeunesse, à l’heure des fleurs, Sigalion avait vécu de longues et tristes nuits à lutter contre la rébellion de son génie muet ; il avait douté de sa destinée, songé à d’autres métiers. Enfin, fuyant vers les pays où la vie est douce, où l’air est pur, où la pensée s’enivre de l’exaltation de la nature, il avait entendu, un soir de paix solitaire et grave, la voix malicieuse de la Parole intérieure :

« Dédain ! Dédain ! »

Quand il revint vers ses amis, il leur montra ses mains vides, avec simplicité.

Jadis, que de fois il avait dû expliquer au doute anxieux d’une jeunesse ardente les mystères de son œuvre future ! Que de soirs passés doucement au commentaire du vers suprême :

Demain marche dans l’ombre avec des roses plein les mains !…

flamme de gloire érigée à la cime hypothétique de la Tour ! Soirs d’enfance, soirs d’illusion : maintenant, il se taisait et souriait. Parfois, on l’entendait murmurer :

« Rien ! Rien ! »

Un jour, il se dévoila :

« Rien ? Non ! J’admets le distique, mais ciselé