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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/383

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par le poète lui-même sur les lames d’or d’un coffret royal. »

Plus tard, il compléta sa confession oraculaire.

« L’art véritable, c’est la vie ! »

La troisième de ses paroles, proférée après un nouveau silence de plusieurs semaines, acheva de livrer au monde la pensée de Sigalion :

« Les sens sont les vrais et les seuls outils de l’artiste. »

Il ajouta :

« Vous possédez dorénavant mon évangile. Je me tais. Je me consacre tout entier à l’art, c’est-à-dire à la vie ! »

La gloire de Sigalion franchit la porte étroite des cénacles. Il était beau. Les femmes le voulurent ; elles aimèrent le poète de la vie ; l’art leur parut très facile à comprendre.

Cependant, il resta fidèle à ses disciples, et pas un jour ne s’écoulait qu’il ne les eût assemblés et fortifiés dans le noble dédain du détestable labeur de l’écriture, « par lequel les plus neuves et les plus audacieuses pensées sont toujours trahies ».

Quoiqu’il parlât peu, il permettait la parole. Trop légère pour déterminer des contours précis, elle n’enserre pas l’idée dans une prison ; elle trace un vaste cercle où l’imagination joue avec plaisir, sans être dominée par la peur des gestes définitifs, irré-