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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/390

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Le soir même, dès que je fus un peu remise de mes éraotions par uxi bon repas et la tendresse inespérée de mon amie, Caroline m’apprit où j’étais et me fixa sur mon sort. J’avais été enlevée par les affidés de Soliman-Pacha, qui avait sans doute remarqué ma beauté aux bains de Brousse ; j’étais dans son harem et l’une de ses femmes. Quand il apprendrait mon arrivée, il me ferait demander, et je n’avais qu’à lui obéir.

« Il est assez doux, continua Caroline, mais il ne souffre pas qu’on résiste à ses caprices. Je lui ai plu par mes complaisances ; je suis toujours sa favorite, bien qu’il aime les figures nouvelles et les corps vierges. Fais comme moi, mon amie ; sois soumise, et les plaisirs que tu donneras, même si ton cœur ne peut les partager, feront tes chagrins moins amers. »

Je sentis bien que je ne pouvais parfaitement comprendre ce que me disait Caroline ; mais à voir ses yeux vifs, son teint clair, son embonpoint, je me trouvai presque consolée : ce que mon maître allait exiger de moi ne me conduirait ni à la mort ni au désespoir.

Cependant une autre inquiétude me vint, et voilà que, songeant à mes parents, à mes frères, à mes amis, à toute ma vie, j’éclatai en sanglots. Je pleurai longtemps, malgré les tendres caresses de