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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/418

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— Voici un traité, signé par Esmourgos et contresigné par le chef du collège des prêtres.

— Tu as vendu un nouveau livre ?

— Oui et non. J’ai surtout vendu ma conversion.

— Malheureux !

— Oh ! ne crie pas si vite. Depuis longtemps déjà mes blasphèmes me pesaient. Je sentais mon front écrasé par la colère des dieux, que j’avais insultés et qui se vengeaient.

— N’était-ce pas plutôt le vin amer qui t’alourdissait la cervelle ?

— Ne raille pas, le sujet est trop grave.

— Moi, je suis incrédule, et le sujet que tu appelles grave est pour moi frivole.

— Je te plains, reprit Oribase, en poussant un grand soupir. Tout transformé par la foi, je ne puis penser sans attendrissement au bonheur qui m’attend dans ce monde et dans l’autre. Pour être lucrative, ma conversion n’en est pas moins sincère. Les dieux sont riches et il est tout naturel qu’ils enrichissent leurs amis. Regarde Colophos, le poète des intimités du gynécée, depuis qu’il est dévot, il a doublé sa fortune. C’est un vrai miracle, car c’est vers ce temps-là qu’il a commencé à n’avoir plus aucun talent, et sans la protection des dieux, il