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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/60

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que imposteur, quelque nouveau Mahomet, sorti d’Orient, s’avance la flamme et le fer à la main, et vienne forcer les chrétiens à fléchir le genou devant son idole ? La poudre à canon nous a mis à l’abri de ce malheur[1]. S’élèvera-t-il parmi nous, lorsque le christianisme sera tombé en discrédit absolu, un homme qui se mette à prêcher un culte nouveau ? Mais alors les nations seront trop indifférentes en matières religieuses et trop corrompues pour s’embarrasser des rêveries du nouvel envoyé, et sa doctrine mourrait dans le mépris, comme celle des illuminés de notre siècle. » Cependant, ajoute-t-il, « il faut une religion, ou tout périt ». Tout périra donc. Ensuite, une à une, les nations, retombées dans la barbarie, en émergeront de nouveau, selon l’ordre de leur chute dans les ténèbres, « et reprendront leur place sur le globe : ainsi de suite dans une révolution sans terme ». Il y aurait cependant une hypothèse à opposer à cette sorte de retour éternel, c’est celle où les nations, toutes éclairées, je me sers de ses propres mots, s’uniraient sous un même gouvernement, dans un état de bonheur inaltérable. Mais elle est peu probable, vu la faiblesse et la corruption des hommes.

  1. Dans une note écrite en 1826, Chateaubriand s’élève avec une vraie prévoyance politique contre ceux qui vendraient des armes aux barbares et entreprendraient de discipliner leurs armées.