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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/72

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siastique. L’originalité de Rousseau, cette fois, est de tenter de faire passer dans la pratique un principe évangélique qui dormait. Tel que vu par Rousseau, il serait peut-être très dangereux ; tel que l’ont appliqué les gouvernements, depuis cent vingt ans, il est inoffensif. Sa virulence paraît dans les théories collectivistes, dont nous sommes loin.

La troisième idée de Rousseau est celle de la souveraineté du peuple, et celle-là je ne vois pas comment on pourrait la contester. On peut trouver que c’est une de ces vérités dont on aurait pu se passer, mais, une fois formulée, elle s’impose. Le droit d’un groupe humain à régler ses destinées politiques ne semble limité que par la nécessité de conquérir un certain équilibre social. Cette idée agaçait Rivarol ; elle indigne Taine ; personnellement, elle ne satisfait ni ma raison ni ma sensibilité, mais je ne vois aucune objection sérieuse à lui opposer dans aucun domaine. J’éprouve, s’il s’agit des droits de l’individu à se gouverner à sa guise, la même pénurie d’arguments. Pour me dompter, dans l’un ou l’autre cas, je consens à ce que l’on emploie la force ; mais il restera qu’une force supérieure pourra défaire l’œuvre organisée contre ces droits. On revient toujours, en sociologie, au théorème de la force : la force est le droit. Il ne faut, à aucun moment, oublier ce que dit Pas-