Aller au contenu

Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tique, dit M. Lasserre, c’est le mirage d’une terre et d’une humanité complaisantes à tout mes désirs. » Il faut cependant accepter cela, ou se plier a la résignation, rêver du ciel chrétien. Chimère pour chimère, je crois qu’il vaut mieux que l’idéal soit terrestre, parce que cela donne aux hommes un principe inépuisable d’activité. Cela fait des révolutions. Sans doute, mais voudrions-nous être bouddhistes ou musulmans ? Il faut choisir entre marcher ou s’asseoir. On ne reste pas longtemps debout à la même place, sans périr d’ennui, plus encore que de fatigue. Quand l’idéal est terrestre, il est instable, parce qu’il devient vite individuel. C’est encore vrai, mais les individus ont leur mérite, et le premier, c’est qu’ils sont la seule réalité.

Le livre de M. Lasserre, que je n’ai visé ici qu’en allusion, en prétexte, est infiniment curieux. Il est même mystérieux. M. Lasserre a presque toujours raison dans le détail, et je ne saurais lui donner raison dans l’ensemble. C’est sans doute que les faits et les idées qu’il critique ont deux faces. Il nous montre l’une et nous cache l’autre ; mais l’autre, nous la devinons et nous rétablissons la tête tragi-comique, celle qui rit à gauche et, à droite, grimace, comme ce marbre du jardin des Tuileries. S’il était un rhéteur, je lui conseillerais