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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér4, 1927.djvu/91

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cents volumes, parmi lesquels l’œuvre entière d’Henri de Régnier, le plus fidèle et le plus solide soutien de la maison dont la première pierre avait été bravement posée sur le sable, sous t’œil bienveillant des chimères.

J’arrête ici ces souvenirs où j’ai essayé de coordonner des impressions littéraires auxquelles les années donneront peut-être quelque importance ou qu’elles dissiperont peut-être, on ne sait jamais. Il est difficileà celui qui participa d’assez près à un mouvement comme le symbolisme d’en bien apprécier le prix, et je ne suis pas de ceux d’ailleurs qui se font de grandes illusions ni sur la valeur des mots ni sur la valeur des œuvres. Plus rapidement encore qu’autrefois, le temps ensevelira sous sa poudre les travaux d’une génération qui, comme toutes les autres, crut un moment qu’elle représentait l’avenir du monde. Ces tromperies sur soi-même sont utiles. On ne ferait rien, si on ne se croyait pas capable de tout. « Le mensonge comme condition de vie », a dit Nietzsche. Ce mensonge, c’est ce que la philosophie traditionnelle appelle l’illusion. Des jeunes gens, groupés autour des nouvelles revues qui paraissent et disparaissent, croient volontiers qu’ils vont tout démolir. Ils sauront un jour qu’on ne démolit rien et que le plus grand effort d’un homme est d’apporter une toute petite pierre du chemin à la pyramide élevée par les générations