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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér4, 1927.djvu/92

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précédentes. Mais il faut toujours s’imaginer qu’on détient une très grande force ; il faut rêver que la flèche a franchi la forêt, les fleuves, a traversé la montagne : nous avons bien le temps de la retrouver perdue à nos pieds, dans les broussailles, quand nous chercherons sur la terre les traces du passé.

Il est, en poésie, un résultat tangible de l’effort du symbolisme : le brisement du vers. On ne fait plus le vers français comme Sully-Prudhomme, cela est certain. La césure est abolie et ne revit que par hasard, par habitude, en vue d’un effort particulier. Le nombre exact des syllabes n’est plus nécessaire à la mesure des vers ; les muettes comptent ou ne comptent pas, selon la musique que l’on veut dessiner. La rime riche semble parodique, on ne prend plus au sérieux « ce bijou d’un sou » ; les vers à la Banville semblent à nos oreilles lasses, ou trop raffinées pour se plaire aux sons pleins du cuivre, construits sur de laborieux bouts-rimés. Même la simple assonance nous satisfait mieux, et la surprise nous charme davantage des sons un peu dispareils que la concordance tapageuse des coups de cymbale. Enfinla division des rimes en masculines et féminines apparaît telle qu’une puérile hérésie phonétique meurt et heure, voilà d’excellentes rimes, qui demain ne choqueront plus personne. La versification parnassienne est aussi loin de nous que la versification latine. Je ne fais nulle allusion ici au