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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér5, 1923.djvu/34

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sité, car c’est encouragée par la présence de Guillemette que Peronne veut chastement dormir (ils sont tout habillés), un bras sur son ami. Guillaume songe, sans oser remuer. Elle se réveille pour dire : « Embrassez-moi », et elle se rendort gentiment. Il fit, de cette nuit singulière, une ballade :

Gent corps, faitis, ceinte, apert et joly,
Juene, gentil, paré de noble amour,
Simple, plaisant, de bonté enrichy
Et de biauté née en fine douçour…

Elle répondit par un rondel « qui ne me semble mie lat (laid) », dit Guillaume ; et, en effet, il est bien gentil dans sa grâce un peu grêle :

Autre de vous jamais ne quier (veux) amer,
Très doux ami, cui (à qui) j’ay donné m’amour ;
Car à mon gré je ne puis mieux trouver…

Il la retrouve à Paris dans sa chambre. Comme il est convenu, il la réveille,

Mais la belle ne dormait mie.

Elle se retourne, et son ami peut l’admirer dans toute sa beauté, sans atours cette fois,

Fors que les œuvres de nature[1].

Guillaume, toujours timoré, a peur qu’on ne

  1. On couchait sans chemise, au quatorzième siècle. Voyez, entre autres, le début de Partenopeus de Blois, cet envers de la fable de Psyché.