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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér5, 1923.djvu/84

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est bon et salutaire de n’avoir aucune espérance. L’espérance est la plus grande de nos folies. Cela bien compris, tout ce qui nous arrive d’heureux surprend. Dans cette prison nommée la vie, d’où nous partons les uns après les autres pour aller à la mort, il ne faut compter sur aucune promenade ni sur aucune fleur. Dès lors le moindre bouquet, la plus petite feuille réjouit la vue et le cœur, on en sait gré à la puissance qui a permis qu’elle se rencontrât sous vos pas… — Il faut surtout anéantir l’espérance dans le cœur de l’homme. Un désespoir paisible, sans convulsions de colère et sans reproches au ciel est la sagesse même. Dès lors j’accepte avec reconnaissance tous les jours de plaisir, tous les jours mêmes qui ne m’apportent pas un malheur ou un chagrin.

« 1832. Je sens sur ma tête le poids d’une condamnation que je subis toujours, ô Seigneur ! Mais ignorant la faute et le procès, je subis ma prison. J’y tresse de la paille pour l’oublier quelquefois : là se réduisent tous les travaux humains. Je suis résigné à tous les maux et je vous bénis à la fin de chaque jour lorsqu’il s’est passé sans malheur. »

C’est du jansénisme athée, car ce Seigneur n’est là que comme ornement romantique. Vigny n’y croit pas, et d’ailleurs, s’il y croyait, pourrait-il l’encadrer d’une telle phraséologie de désespérance ? Ou par