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66 PROMENADES PHILOSOPHIQUES On a fait de régulières expériences avec des grenouilles. A poids égal, et quoique la viande de boucherie soit beaucoup plus nourrissante, la chair de grenouille a, bien mieux que du veau ou du mouton, entretenu et même augmenté le poids des batraciens. M. de Varigny a conté cette histoire avec autant de science que d’esprit, et il conclut que cela réhabilite l’anthropophagie, du moins théoriquement. Je n’ose ajouter que ce genre d’alimentation, similia similibus, conviendrait admirablement aux estomacs fatigués ou délicats, aux tuberculeux qui ont besoin d’assimilations abondantes et rapides, aux petits mangeurs, à toux ceux auxquels un travail sédentaire et appliqué défend les nourritures lourdes et de digestion lente. Pour avoir des résultats encore plus favorables, il faudrait même tenir compte des races, des variétés. Ainsi les Japonais auraient beaucoup plus d’avantage à se manger entre eux qu’à manger des Russes. J’espère qu’on me dispensera d’exemples plus familiers et aussi qu’on voudra bien ne pas prendre mes conseils tout à fait à la lettre, comme le fit, naguère, une lectrice qui, troublée par l’exposé de la théorie de la mutation brusque, m’écrivait ne pouvoir admettre que le premier homme fût né, en une nuit, ainsi qu’un champi-