Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/167

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d’auteur le ranima : « Soit, j’en ferai de la littérature, je montrerai comment ce peu de bruit intérieur, qui n’est rien, contient tout, comment avec l’appui bacillaire d’une seule sensation toujours la même et déformée dès son origine, un cerveau isolé du monde peut se créer un monde. On verra, dans l'Adorant, s’il est besoin, pour vivre, de se mêler aux complications ambiantes. Mais ce n’est qu’un essai et mon œuvre véritable sera celle-ci : un être né avec la complète paralysie de tous les sens, en lequel ne fonctionne que le cerveau et l’appareil nutritif. Il n’a jamais eu aucune connaissance des choses externes, puisque même la sensivité de la peau est absente. Un miracle, électrique ou autre, le guérit partiellement, il apprend à parler et raconte sa vie cérébrale : elle est pareille aux autres vies. Il faudrait faire admettre le point de départ, trouver, au moins, un exemple médical. »

En réfléchissant, il reconnut que son mépris du matérialisme l’entraînait un peu loin : c’était verser dans l’absurde. Pourtant, une telle imagination apparaissait moins stupide que lu négation psychique des uns et le dualisme des autres. Les spiritualistes, en effet, ne lui inspiraient pas une moindre colère : ces bâtards de la Théologie et du Sens commun formaient bien la plus déplaisante hybride de toute la flore humaine. Entre toutes les injures que les ignorants répandent comme une pluie de boue sur ceux qui pensent, celle-ci l’eût spécialement froissé et rien ne l’agaçait comme d’entendre nommer idéalistes, sans distinction, tous ceux qui n’admettaient pas,