Page:Gourmont - Sixtine, 1923.djvu/274

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— Oh ! continua Hubert, pratiquement ce serait absurde et terrible, mais, le principe admis, ses trop nombreuses violations suffiraient à un peuplement encore excessif. Pour moi, s’il le fallait, j’accepterais cette croix. Mes enfants porteraient la vie comme je la porte, sans joie, mais sans désespoir : le transcendant coquin n’a pas tué tous les cygnes !

— Pas encore, mais il les tuera tous, dit André. Les lacs seront déserts et les forêts muettes, car il n’y aura plus d’âmes pour peupler les lacs de rêves et les forêts d’idéales musiques. Alors le feu desséchera le marécage terrestre…

— Et on recommencera par le commencement, interrompit Renaudeau.

Sans rien ajouter, il disparut, et Passavant qui le suivait des yeux expliqua cette soudaine fugue en le voyant glisser vite vers Mme Aubry qui lui souriait :

— On prétend qu’il a déjà réussi à miner Fortier et qu’il va le remplacer, si ce n’est fait déjà, à la revue, — et ailleurs, naturellement.

— C’était à prévoir, dit Hubert, mais, pour moi, je ne me soumettrai pas à ses impertinences. Si quelques amis voulaient me suivre, je sacrifierais les sommes nécessaires à la fondation d’un recueil plus strict en ses choix.

— Et un peu théologique ? ajouta Passavant. De la théologie mystique en bon style…

— Oui, oui, répondit Hubert, soudain distrait.

Il venait de se souvenir que le présent lui imposait d’autres pensées. Pour la première fois, peut-être, de sa vie, il échappait à la domination exclusive de l’art : Sixtine se redressait devant sa vision du monde comme