Page:Gourmont - Une nuit au Luxembourg, 1906.djvu/144

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digne de ce nom ne s’insurge pas contre les forces supérieures. Il cède au plus vite et rentre en lui-même, fier de ce qu’il est et dédaigneux de ce qu’il n’est pas. Votre orgueil humain n’est souvent qu’une folie aveugle. L’orgueil des dieux est clairvoyant. Mais qu’avez-vous besoin de nous connaître, puisque vous ne pouvez rien sur nous ? Vos prières nous émeuvent comme vous le chant des oiseaux, selon notre humeur ; nous les trouvons agaçantes ou agréables et, dans l’un ou l’autre cas, nous passons, en songeant aux affaires sérieuses, c’est-à-dire à vivre notre vie. Les dieux, mon ami, sont égoïstes, et s’ils s’occupent des hommes, c’est par caprice, pour varier leurs plaisirs. Vos joies, à vrai dire, nous touchent plus que vos chagrins et, si nous en avions le pouvoir, nous enverrions plus volontiers de nouveaux bonheurs aux